Qui aime se faire copier ? En réalité personne ! Depuis notre plus jeune âge, cela nous agace provoquant jusqu’à l’idée de mentir pour ne rien dévoiler. Alors quand il s’agit de survie pour une entreprise ou d’un lancement pour un nouveau projet, les enjeux économiques et financiers viennent s’ajouter à ce sentiment inconscient. D’où la nécessité de construire une bulle de confidentialité autour de votre projet.
On a aussi tous conscience que l’innovation est une course de vitesse et on n’aime pas se faire doubler … surtout quand on a eu l’idée en premier. De plus, aux yeux de l’inventeur, son invention a une valeur inestimable, c’est un peu son bébé. Pour autant, on fait souvent preuve de naïveté quand il s’agit de confidentialité. Sans être paranoïaque, il y a quelques bons principes à respecter pour continuer à parler de son idée. Car il ne faut pas se tromper, parler de son projet et partager avec d’autres est essentiel pour le faire grandir … mais pas n’importe comment et pas avec n’importe qui.
Par ailleurs, avant de sortir toute la panoplie de la confidentialité, il est nécessaire de faire grandir un peu son projet. Ce serait une erreur de protéger quelque chose qui ne soit pas encore né. Dans l’univers créatif, il faut au contraire rester assez ouvert au début pour s’imprégner de son environnement, des idées émergentes que d’autres peuvent avoir. Si vous voulez que les gens vous parlent, il faut rester ouvert et ne pas sortir un contrat de confidentialité avant même d’avoir commencé de parler. Si on ne partage pas son idée, comme le fait remarquer Seth Godin, elle risque tout simplement de mourir dans le secret…
Nouveauté et divulgation
Dès qu’une idée est suffisamment avancée et dès lors que vous commencez à mettre en œuvre une solution technique en réponse à un problème technique, il faut commencer à être plus vigilant. Car si vous souhaitez ensuite déposer un brevet, une des conditions de brevetabilité est la notion de nouveauté. Cette nouveauté se mesure au regard de l’état de la technique à travers les brevets, mais aussi au regard des informations échangées avec ses fournisseurs et ses clients. Et c’est justement là qu’intervient la question de la divulgation…
En droit des brevets, toutes les informations accessibles au public, avant le dépôt de la demande de brevet, entrent dans l’état de l’art qui lui est opposable. Et cela, même si l’information vient de vous. Une présentation sur un salon ou une mise dans le commerce d’un produit effectuée avant le dépôt d’une demande de brevet annuleront toute possibilité d’obtenir le fameux sésame si quelqu’un venait à s’y opposer. Ceci est vrai en France et est un peu différent aux US et au Japon où un recours est possible sous certaines conditions …
L’émergence d’une idée
Les idées vont et viennent. Il est toujours difficile d’ailleurs de retrouver qui a eu l’idée d’un nouveau concept. Au sein de la société Zurflüh-Feller, j’avais en charge la gestion de la propriété industrielle de l’entreprise et je me rendais souvent compte de ça lorsque je devais proposer le nom des inventeurs pour un nouveau produit. Il arrive quelques fois que l’ego prenne le pas sur la réalité des faits…
Qu’on le veuille ou non, nous baignons dans un courant d’influences qui oriente nos choix. Et c’est très bien comme ça. On a tous des placards ou des dossiers remplis d’idées passées aux oubliettes. Parmi elles, sans nul doute, une idée géniale qu’on n’aura pas su reconnaître. Une idée seule ne vaut rien si on ne sait pas voir son potentiel. Et c’est souvent là que certains ont plus de talent que d’autres.
Règle n°1: Parlez peu … et écoutez beaucoup
Au tout début d’une idée, parlez-en avec votre entourage et voyez comment les autres réagissent. Enrichissez votre idée avec celle des autres. Dites-vous que l’idée que vous avez eue a besoin de s’étoffer à travers le regard d’autrui. Évidemment, il faut communiquer intelligemment et avoir l’art de laisser parler. C’est le moment de l’écoute et de l’évaluation.
A ce moment là du projet, vous avez sans doute plus à gagner qu’à perdre. Mais c’est une histoire d’appréciation. Il m’est souvent arrivé d’obtenir bien plus à communiquer une idée qu’à la garder pour moi. A avoir peur de se faire voler une idée par les concurrents, on risque surtout de rester scotché dans sa « tour d’ivoire ». En revanche, approcher des contacts de manière intelligente peut se révéler fructueux et peut même donner lieu à un éventuel partenariat.
Règle n°2: Gardez une preuve de votre idée
Lorsque votre concept est illustré pour la première fois, vous pouvez acter le fait que vous avez eu cette idée à une date donnée. On ne sait jamais de quoi sera fait l’avenir et il vaut toujours mieux prendre des précautions. Pour commencer, rassemblez les preuves qui attestent que vous êtes le créateur du concept.
Puis, vous pouvez utiliser l’enveloppe Soleau, du nom de son inventeur Eugène Soleau. Aujourd’hui, par le biais de l’INPI (Institut National de la Propriété Industrielle) tout le monde peut se constituer une preuve de création sous réserve évidemment d’être à l’origine de l’idée… A noter que plusieurs personnes peuvent déposer ensemble une enveloppe Soleau. Ce dépôt peut être réalisé à tout moment, mais il est préférable de l’effectuer le plus tôt possible. Par exemple, lorsque j’organise une cession de recherche créative, je place toutes les idées dans une enveloppe avant même de savoir laquelle nous allons développer en priorité.
Cette procédure pour déposer une enveloppe Soleau est à effectuer auprès de l’INPI de manière totalement sécurisée. Je vous conseille de faire cette démarche en ligne, car la version papier est limitée à 7 pages … En cas de litige, vous pourrez demander à l’INPI de ressortir cette enveloppe prouvant que vous avez bien eu l’idée à un moment donné. Je vous conseille de garder un historique du contenu de chaque enveloppe Soleau pour vous rappeler ce que vous avez déposé. C’est très utile lorsque le litige intervient quelques années plus tard. A noter que cette enveloppe est valable 5 ans avec la possibilité d’un seul renouvellement.
Vous avez aussi la possibilité de dater votre création par le biais d’un huissier ou d’un notaire. Mais bon … cette démarche est plus coûteuse. Sachez que cela existe, mais je vous conseille vivement de passer par une enveloppe Soleau qui se dépose en un clic sur le site de l’INPI.
Règle n°3: Compartimentez votre communication
En public, ne divulguez pas votre invention et en privé ne donnez pas toutes les infos à une même personne. Il y a danger si on dévoile son projet sans retenue à une personne en capacité d’en comprendre les mécanismes et de mettre en œuvre la solution. De plus, une idée sera plus facilement comprise par une personne qui possède des compétences dans le secteur en question.
Cette étape peut donner des sueurs froides car il n’est pas toujours possible de travailler seul sur une solution technique avant le dépôt d’un brevet. A moins d’avoir la chance de posséder toutes les compétences et la structure pour développer, prototyper, tester, etc… Pour éviter de prendre des risques, il vaut mieux compartimenter sa communication. L’idée est de donner le juste nécessaire pour savoir quoi faire et de ne jamais tout dévoiler à une seule personne.
Les débuts de Facebook illustrent très bien ce genre de risque. L’histoire rendue célèbre par le film The Social Network explique que les jumeaux Winklevoss avaient approché Mark Zuckerberg durant leurs études à Harvard pour travailler sur une idée de réseau social. Ils avaient besoin à l’époque d’un programmeur pour la concrétiser. En travaillant sur le projet, Mark Zuckerberg a eu l’idée d’un projet très proche, et a cessé de travailler pour les jumeaux. En réalité, il a lancé Facebook en ayant « exploité » une partie de leurs idées. S’ensuivra un procès entre les deux parties et un dédommagement de 65 millions de dollars pour les jumeaux…
Règle n°4: Signez un contrat de confidentialité
Dans le cas où vous devez vraiment dévoiler votre solution technique comme pour le cas d’un partenariat, sans avoir eu le temps au préalable de déposer un brevet, je vous conseille de signer un contrat de confidentialité. Ce contrat avec un tiers doit l’engager à conserver les informations confidentielles pendant une durée donnée, et à ne pas les utiliser sans votre accord préalable.
Ce document devra contenir au minimum une courte description de l’innovation pour fixer une limite à la confidentialité. Des infos plus précises peuvent être jointes en annexes pour rendre encore les choses plus claires. Dans le cas d’un partenariat où chaque partie pourra proposer des solutions, il faudra prévoir une clause pour préciser à qui appartiennent les résultats des travaux. Ce point est crucial pour la suite du dépôt de brevet et pourra déboucher sur plusieurs cas de figure comme par exemple la cession des droits ou alors le fait que chacun puisse déposer un brevet sur sa zone d’expertise. Enfin, tout ça est à préciser le plus clairement possible. Pour vous aider, je partage avec vous 2 exemples de contrat de confidentialité.
Cliquez sur les liens ci-dessous pour télécharger les 2 contrats types *.
- Le premier exemple décrit un partenariat équilibré entre chaque partie : Contrat de confidentialité 1
- Le deuxième exemple décrit une situation qui protège davantage celui qui propose le projet : Contrat de confidentialité 2
* Ces deux contrats sont partagés avec vous à titre informatif afin de vous aider à créer le votre. Ne connaissant pas votre projet, je ne pourrais pas être tenu comme responsable en cas de litige.
Règle n°5: Déposez un brevet
Pour ne pas surcharger cet article, nous reviendrons sur ce sujet dans un prochain post 😉
Et maintenant ?
1 – Pour commencer, choisissez le dernier projet sur lequel vous avez travaillé et réunissez les preuves de votre création.
2 – Puis, rendez-vous sur le site de l’INPI pour déposer une enveloppe Soleau, vous verrez c’est super simple. Le fait de le faire une première fois vous encouragera à recommencer.
3 – Ensuite, téléchargez les 2 exemples de contrat de confidentialité. Je partage avec vous ceux que j’utilise personnellement.
Voilà, c’est la fin de cet article. Si vous avez trouvé le contenu intéressant, n’hésitez pas à poster vos commentaires ou vos questions en bas de cette page, et à le partager avec vos amis ou vos collègues si vous pensez que ça pourrait leur être utile ! 🙂
6 réponses pour "Confidentialité : 5 règles d’or à respecter"
Bonjour, j’apprécie toujours autant ces articles qui permettent de dégrossir très rapidement un domaine complexe, voire de se mettre en situation en suivant l’exemple donné. Merci beaucoup pour ces outils créatifs, vivement le prochain article .
A bientôt.
Bonjour Christian,
Merci pour ce retour, ça fait plaisir 🙂
A très bientôt sur Innover Malin
Bonjour Laurent,
Merci pour cet article très intéressant.
J’ai une question pratique. Est ce que je peux commencer à travailler avec un bureau d’étude (avec la signature d’un accord de confidentialité) avant même le dépôt de la demande de brevet ? car mon invention n’est pas assez mature techniquement et le bureau d’étude me propose de l’affiner avec une étude préliminaire de faisabilité et un accompagnement dans la rédaction du cahier des charges pour la production du prototype. Autre sujet, j’aurais certainement avec l’étude et le prototype plus d’éléments technique pour alimenter la demande de brevet (schéma plus détaillé et fonctionnel, etc.)
Merci par avance,
Bonne journée
NS
Bonjour Nedj,
Oui pas soucis. L’important est d’être au clair dans le contrat sur le périmètre de la confidentialité (c.a.d le projet concerné) et que chaque document transmis fasse référence à ce projet avec une annotation claire sur le pied de page (Document confidentiel – Projet XXX).
Dans tous les cas, faites bien attention de ne pas rendre public le contenu de votre création avant de déposer le brevet. Cela doit rester entre vous et le bureau d’étude.
Bon projet !
Laurent
Merci pour ce précieux article qui me convainc de l’importance de l’enveloppe Soleau.
J’y cours dans la foulée.
Merci pour vos précieux conseils