Face à une contradiction qui limite les performances de votre produit, la méthode TRIZ propose des solutions inventives sans tomber dans la voie du compromis qui est souvent une impasse technique.
Si vous cherchez à innover, il vous arrive sans doute d’être confronté régulièrement à des situations semblant à première vue insolubles. Insolubles dans le sens où – pour améliorer votre produit – vous devez faire face à de nombreuses contradictions. En voulant améliorer une action ou un paramètre, vous constatez que vous en dégradez d’autres…
La plupart du temps, les ingénieurs ont tendance à choisir la voie du compromis. Ce qui revient à accepter le problème et d’en minimiser les conséquences en ajustant « les curseurs ». Malheureusement, cette solution n’est pas satisfaisante, car elle revient à réduire le problème plutôt que de le supprimer.
Guenrich Altshuller le créateur de la méthode TRIZ a toujours souligné que le compromis était une impasse. C’est la raison pour laquelle il s’est efforcé de définir des principes d’innovation qui permettent de résoudre les contradictions de votre système : une philosophie de conception source d’inventivité !
Dans cet article, je partage avec vous une partie de la méthode TRIZ qui propose justement d’identifier les contradictions de votre produit pour ensuite les solutionner de manière inventive. Vous l’aurez compris … sans compromis ! 🙂
Les limites du compromis en conception
La voie du compromis est souvent une impasse
Tout d’abord, il faut dire qu’un compromis peut résoudre un problème … mais jamais de manière très innovante. Si vous voulez vraiment innover, vous devez opter pour une réflexion plus radicale. Et réserver le compromis en un second temps pour optimiser votre produit.
Lorsque vous recherchez un compromis, vous arrivez rarement à une situation idéale. Pour satisfaire tous les critères, vous prenez le risque d’aboutir à un produit « moyen ». Le type de produit qui satisfait tout le monde et personne à la fois.
La recherche de compromis peut aussi conduire à une optimisation pointue de votre système. Il n’est pas toujours évident d’équilibrer tous les critères par le jeu d’un compromis simple et évident. Vous prenez le risque – pour maintenir cet équilibre – de devoir contraindre votre système.
Enfin, le compromis aboutira rarement à un produit réellement différent du précédent. Vous réussirez peut-être à améliorer votre produit s’il dispose encore de ressources. Mais il ne deviendra jamais vraiment innovant ni remarquable.
Le compromis n’est pas toujours évitable
Cependant, il n’est pas toujours évident de résoudre un problème de manière radicale. Prenons le cas de l’éco-conception. La prise en compte de l’environnement dans la conception d’un produit intervient en parallèle des fonctions d’usage. Des fonctions sur lesquelles un certain niveau de performance est attendu par l’utilisateur.
Ces deux critères ne sont pas forcément incompatibles et c’est d’ailleurs souhaitable pour l’avenir. En revanche l’état actuel des connaissances et des technologies ne nous permet pas toujours de réduire totalement l’impact sur l’environnement. Le concepteur doit trouver un compromis entre performance et bilan environnemental avec une vision réaliste pour que son produit se vende. Car un produit ayant réduit son impact à l’extrême, mais qui ne se vend pas ne fait pas avancer le schmilblick.
Comment identifier une contradiction avec TRIZ
La première chose à faire est de comprendre le fonctionnement d’un système déjà connu, votre produit par exemple. La méthode que je vous conseille de suivre est d’établir les relations de cause à effet entre les fonctions principales de votre produit et ses caractéristiques.
1 – Établir une première relation de cause à effet
Pour cela, partez d’une fonction principale et posez-vous la question du « COMMENT ? ». Vous pointerez ainsi la partie et les caractéristiques de votre produit mises en œuvre pour répondre à cette fonction.
Prenons l’exemple d’une chaussure de running. Une de ses fonctions principales est d’améliorer l’amorti du choc lié à l’impact du pied avec le sol. COMMENT ? Pour faire simple, retenons deux caractéristiques de la semelle qui contribuent à l’amorti : la dureté de la mousse et son épaisseur.
2 – Définir d’autres relations par déduction
Pour compléter le tableau, définissez d’autres relations de cause à effet, cette fois-ci en partant de la caractéristique d’une partie. Pour cela, posez-vous la question « SI … ALORS … ? » . SI la caractéristique A augmente/diminue ALORS la fonction B ….
Reprenons l’exemple de la chaussure de running. SI l’épaisseur de la semelle augmente ALORS la stabilité diminue.
Voilà une contradiction intéressante ! Quand vous cherchez à améliorer l’amorti de la chaussure en augmentant l’épaisseur de sa semelle, vous dégradez la stabilité.
3 – Continuer jusqu’à décrire l’ensemble de votre produit
En continuant à décrire les relations entre les principales fonctions et les principales caractéristiques de votre produit, vous dresserez une représentation intéressante des interactions qui le définissent.
Si vous éprouvez des difficultés à vous représenter l’impact de l’évolution d’une caractéristique, je vous conseille de « pousser le bouchon » le plus loin possible en forçant le trait. Cela vous aidera à faire apparaître de manière plus évidente l’interaction.
Dans le cas de l’augmentation de l’épaisseur de la semelle, la dégradation de la stabilité vous paraîtra évidente si vous imaginez une semelle en mousse de 50cm d’épaisseur ! 🙂
4 – Vérifier la pertinence des interactions et des termes choisis
Prenez le temps de relire plusieurs fois votre représentation pour la compléter ou en ajuster les termes. Plus vous avancerez dans ce travail, plus les choses vous apparaîtront avec clarté. En passant trop rapidement sur cette étape, vous risquez de passer à côté de l’essentiel.
Comment résoudre une contradiction avec TRIZ
Une contradiction technique
Dans l’esprit de TRIZ, une contradiction technique apparaît lorsqu’en voulant améliorer un effet A, on dégrade un effet B. Ces deux effets sont impossibles à concilier en l’état.
Si vous partez de la formulation d’une contradiction technique, vous pouvez utiliser la matrice de TRIZ pour accéder aux principes d’innovation les plus adaptés. Pour cela vous devez retranscrire votre contradiction avec les termes « normés » inscrits dans la matrice de TRIZ.
Dans l’exemple de notre chaussure de running, la contradiction est qu’en voulant améliorer l’amorti vous dégradez la stabilité.
La retranscription dans la matrice avec les termes normés pourrait être la suivante.
– Effet positif à préserver : tension, pression.
– Effet négatif à éliminer : stabilité.
On voit bien à travers cet exemple qu’il n’est pas toujours intuitif de choisir les bons critères. Mon conseil est de faire plusieurs essais en utilisant des effets proches de votre problématique. Ne vous en faites pas : vous vous débrouillerez très bien !
La matrice de TRIZ nous propose les principes 2 (extraction), 33 (homogénéité), 35 (valeur d’un paramètre) et 40 (composite).
Ainsi vous pourriez très bien imaginer :
– une semelle qui se déforme de manière homogène suivant l’axe d’impact, mais reste stable dans les autres dimensions,
– utiliser des matériaux composites pour assurer la stabilité de la partie supérieure de la semelle tout en permettant la déformation de la partie inférieure.
La seule limite est celle de votre imagination !
Une contradiction physique
Une contradiction physique apparaît – selon TRIZ – lorsqu’un objet doit être dans 2 états contradictoires en même temps. Il doit avoir une propriété A pour une raison donnée et et en même temps avoir une propriété B (différente de A) pour une autre raison.
Si vous partez de la formulation d’une contradiction physique, vous pouvez utiliser les principes de séparation de TRIZ. Ils sont d’une simplicité incroyable et d’une puissance redoutable !
Pour notre chaussure de running, la contradiction physique serait d’être épaisse et fine en même temps. Épaisse pour l’amorti et fine pour la stabilité.
En utilisant les principes de séparation, vous pourriez très bien imaginer :
– une semelle épaisse lorsque vous courrez sur un sol stable et qui devient plus fine sur un sol instable,
– une semelle constituée de plusieurs parties : certaines amortissantes sur les zones d’impact et d’autres, plus « stables » là où le pied déroule .
Là encore, la seule limite est celle de votre imagination !
L’utilisation des principes de TRIZ vous donne les moyens d’aller beaucoup plus loin qu’un simple compromis. Un compromis qui vous aurait conduit inévitablement à définir une épaisseur « moyenne » pour que la semelle soit la plus amortissante et la plus stable possible…
Et maintenant ?
Dans cette approche de résolution des contradictions, votre valeur ajoutée se situe davantage sur l’analyse que sur la génération d’idée. Un problème bien posé vous apportera toujours plus de solutions pertinentes.
« Si j’avais une heure pour résoudre un problème, je passerais cinquante-cinq minutes à définir le problème et seulement cinq minutes à trouver la solution. » Albert Einstein – physicien
Le questionnement que vous entreprendrez vous apportera une autre vision de votre système. Et c’est justement en regardant les choses différemment que naissent de nouvelles idées. Il est souvent utile de faire un pas de côté pour donner de la perspective à votre problème et faire apparaître un point d’appui pour sa résolution.
Voilà, c’est la fin de cet article. Si vous avez trouvé le contenu intéressant, n’hésitez pas à poster vos commentaires ou vos questions en bas de cette page, et à le partager avec vos amis ou vos collègues si vous pensez que ça pourrait leur être utile ! 🙂