Une invention peut faire l’objet d’un brevet à condition de remplir 4 critères de brevetabilité qui sont évalués par un examinateur : la réponse à un problème technique, l’application industrielle, la nouveauté et l’inventivité.

Lorsqu’on est dans une phase créative, les idées jaillissent de toute part. On trouve certaines idées vraiment géniales et on commence déjà à se projeter dans l’avenir.

Ensuite, arrive le moment où se pose la question de la faisabilité et d’un éventuel brevet. Dès lors on rentre dans une phase où il faut rapidement comprendre ce qui est brevetable ou pas. Histoire de ne pas se faire de fausses joies !

A travers cet article, je partage avec vous les 4 critères de brevetabilité. Ils vous permettront d’évaluer si votre invention est brevetable ou non. Ces critères d’évaluation sont applicables qu’il s’agisse d’un procédé ou d’un dispositif.

La réponse à un problème technique

L’essence même d’un brevet est d’apporter une nouvelle solution technique en réponse à un problème technique. En d’autres termes, le brevet fait avancer de manière concrète l’état de la technique en apportant une contribution.

Par exemple on ne peut pas déposer un brevet juste sur une idée ou sur des bénéfices. Un brevet doit aller plus loin dans la description d’une solution technique. Il doit décrire la mise en œuvre concrète d’une combinaison de moyens.

L’application industrielle

L’invention doit pouvoir donner lieu à une application industrielle. Il faut se rappeler que le but du brevet pour la collectivité est d’avoir accès à une nouvelle connaissance. Il se trouve que cette connaissance n’est valable que si elle est suffisamment concrète pour être industrialisable. C’est souvent ce qui sépare une idée générale d’une solution technique bien décrite.

Pour décrire suffisamment son invention, le mieux est d’avoir fait au préalable un prototype. C’est en fabriquant les choses qu’on se rend compte de la bonne manière de faire. Ensuite, il vous sera plus facile d’en décrire le contenu.

De plus faire un proto au préalable vous permettra d’avancer dans la réalisation d’une mise en œuvre. Cela vous questionnera sur la faisabilité de certaines options. Il m’est arrivé plusieurs fois de compléter un brevet après avoir réalisé un premier prototype.

La nouveauté

L’invention doit être nouvelle. Cela veut dire qu’elle n’a jamais été décrite auparavant sur quelque support que ce soit. En d’autres termes, elle ne fait pas partie de l’état de l’art antérieur. Il ne s’agit pas uniquement des brevets. Ça peut être par exemple une étude universitaire, un article de presse ou la présentation de l’invention sur un salon.

Votre communication

Cela veut dire aussi que votre propre invention ne doit pas non plus avoir été rendue publique avant le dépôt du brevet. Si par exemple vous présentez votre invention sur un salon ou dans une revue technique avant le dépôt du brevet, vous ne pourrez plus la breveter. Vous devez donc être très vigilant sur ce point.

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Si vous déposez un brevet dans votre pays d’origine, par exemple en France à l’INPI – Institut National de la Propriété Industrielle , et que vous décidez de l’étendre à l’international avant un délai de 12 mois, vous conservez la date de priorité de l’invention de votre brevet d’origine. Tenant compte de ce privilège, vous pouvez donc communiquer à l’international dès le premier dépôt de votre brevet. Pour en savoir plus sur ce point, je vous conseille de consulter le site de l’OEB sur la revendication de priorité.

La recherche d’antériorité

En réalité, légalement parlant, vous n’êtes pas tenu de vérifier la nouveauté d’une invention avant le dépôt de brevet. Mais ce critère de brevetabilité sera analysé de près par l’examinateur. Du coup, si vous voulez éviter le risque de vous voir opposer une antériorité, il vaut mieux le faire avant.

Pour cela, je vous conseille de mener par vous-même une recherche d’antériorité sur différents médias. En questionnant le moteur de recherche de Google et en faisant une recherche d’antériorité de brevets sur Espacenet vous aurez une vision assez précise de la situation.

La confidentialité

Vous devez aussi être vigilant lorsque vous communiquez à l’extérieur. Pour vous prémunir d’un risque de fuite, il vaut mieux signer avec votre partenaire un contrat de confidentialité.

Vous pouvez aussi au préalable déposer une enveloppe Soleau pour dater les différentes étapes de votre projet. Cela vous permettra de constituer une preuve de là où vous en êtes au moment des échanges avec un éventuel partenaire. Pour que les choses soient encore plus claires, vous pouvez également indiquer dans votre contrat l’existence de cette enveloppe Soleau. Dans ce genre de situation, il vaut toujours mieux mettre ceinture et bretelles 😉

Si jamais vous faites face à une divulgation sans accord comme par exemple un cas d’espionnage ou tout simplement la violation d’une clause de confidentialité , il vous sera éventuellement possible de déposer un brevet malgré tout. Comme vous pouvez l’imaginer, il faut réussir à le prouver … et engager des démarches pour cela.

L’inventivité

L’invention doit témoigner d’une activité inventive. Cela sous-entend qu’il ne serait pas évident pour un « homme du métier » de trouver cette solution tenant compte de l’état de la technique antérieur.

Un critère subjectif

C’est en fait un critère de brevetabilité assez subjectif et on peut imaginer assez facilement que deux examinateurs différents puissent rendre un avis différent sur ce point.

Le crayon gomme inventé par HYMEN L. LIPMAN en 1858 – brevet US19783A.

L’exemple du crayon gomme cité par l’INPI ne remplirait pas le critère d’activité inventive, car selon le site « le crayon et la gomme étaient connus à la date du dépôt. Il était alors évident, pour l’homme du métier (c’est-à-dire le fabricant de crayons), de juxtaposer un crayon et une gomme pour écrire et gommer avec le même outil. »

On voit bien à travers cet exemple qu’il n’est pas toujours évident d’avoir un avis tranché sur le sujet car le brevet a été déposé aux USA et par ailleurs il existe de nombreuses inventions qui au final sont aussi des associations d’idées.

Inventivité et argumentation

Pour définir cette notion d’inventivité, il est important de comprendre et mettre en évidence la valeur ajoutée de l’invention. Ceci ne peut se faire qu’en se basant sur l’état antérieur de la technique, en définissant les limites de celle-ci et en mettant en avant les avantages de votre concept. L’argumentation est un point capital pour valoriser l’inventivité d’une solution technique.

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A savoir qu’ il y a encore peu de temps, le critère d’inventivité n’était pas examiné en France pour la délivrance d’un brevet, alors que c’était le cas au niveau Européen. Depuis la loi PACTE (Plan d’Action pour la Croissance et la Transformation des Entreprises) adoptée par l’Assemblée Nationale le 11 avril 2019, le critère d’activité inventive est dorénavant examiné par l’INPI au stade de la délivrance du brevet.

Et maintenant ?

Maintenant que vous avez une connaissance plus précise des 4 critères de brevetabilité, il vous sera facile d’évaluer si votre invention est brevetable.

En tout cas, je vous conseille vraiment de vous poser toutes ces questions avant d’engager une procédure de dépôt de brevet. Au final vous gagnerez du temps et mettrez toutes les chances de votre côté pour que votre brevet soit délivré.

Pour cela, je vous invite à réaliser 3 actions concrètes :

1 – 🌟 Sélectionnez un produit sur lequel vous souhaiteriez déposer un brevet.

2 – ✅ Faites une recherche d’antériorité pour définir la nouveauté tenant compte de l’état de la technique.

3 – 🔎 Analysez les brevets pertinents pour définir leurs limites et argumenter la valeur ajoutée de votre solution.

4 – 🚀 Faites un prototype avant de rédiger votre brevet pour définir les moyens nécessaires à une mise en œuvre.

Voilà, c’est la fin de cet article. Si vous avez trouvé le contenu intéressant, n’hésitez pas à ajouter vos commentaires en dessous. Et le partager avec vos amis ou vos collègues si vous pensez que ça pourrait leur être utile ! 🙂

    3 réponses pour "Les 4 critères de brevetabilité d’une invention"

    • COURTOIS

      Bonjour Laurent,

      Je ne regrette pas de m’être inscrite à votre newsletter. 😉
      Pour avoir déposé plusieurs brevets, j’apprécie la clarté de vos explications – étape par étape – le contenu de votre article est très juste et complet. Merci.
      Personnellement, j’ai fait appel à des cabinets d’experts en propriété industrielle pour m’aider à la rédaction des brevets. Quand on est créateur et qu’on a la « tête dans le guidon », un œil extérieur avisé permet justement de faire ressortir les avantages différenciés de notre solution.

      Une question réside : avec la vente en ligne, si un commerçant extérieur à la France vend sur son site Internet un produit similaire à notre invention (en d’autre terme : une copie) et que notre brevet est déposé uniquement en France, que vaut notre brevet ?
      Normalement, le brevet déposé en France nous permettrait de sanctionner la vente sur le sol français… Mais avec Internet, comment faire ?

      Il faudrait aussi des milliers et des milliers d’euros pour se défendre. En tant que créatrice et pour connaître bon nombres de créateurs, c’est clairement impossible.

      Alors, est-ce que le brevet ne serait pas finalement réservée aux grosses entreprises dont la trésorerie permet la défense du brevet ? Et dans ces grosses entreprises, il faut savoir qu’il existe aussi des professionnels en charge d’étudier les brevets déposés et de trouver des solutions pour les détourner.

      Un brevet coûte 7000 à 8000 euros à déposer, juste en France. Cette dépense est non négligeable et est-elle bien utile ? J’ai un doute…

      Je pense qu’il faut plutôt se dire que le brevet permet de donner de la crédibilité au caractère innovant d’un produit dans le cas d’une levée de fonds et qu’il agit comme un bouclier pour les pseudo créateurs qui seraient tenter de monter leur business en piquant une idée. J’en ai connu… aujourd’hui, ils ont mieux réussi que le créateur à la base de l’invention pour deux raisons : leur côté plus commercial et parce que le créateur a déjà cramé toute sa trésorerie durant la phase de R&D.

      Au plaisir de débattre sur ce sujet qui me tient à cœur car il n’est pas sans conséquences !

      Bien à vous,
      Valérie

      • Laurent Cachalou

        Bonjour Valérie,

        Merci pour votre commentaire.

        Concernant la vente en ligne, il est vrai que c’est un problème car les processus sont dématérialisés. Il y a une réelle difficulté pour analyser les flux de distribution et leurs origines. De plus, il n’est pas toujours évident de pouvoir juger si la copie en est réellement une uniquement sur la base des photos disponibles sur internet.

        Malgré tout pour agir, il n’y a pas d’autres solutions que de mettre en place une veille via internet et d’être présent sur des salons professionnels. Il y a aussi l’opportunité de mettre à contribution son réseau de distribution pour être informé d’éventuelles copies.

        Ensuite, si vous constatez une contrefaçon, il y a plusieurs étapes. Mon expérience m’a amené à constater que dans la plupart des cas, un simple courrier était suffisant pour informer le contrevenant de la contrefaçon et obtenir gain de cause. Mais vous avez raison, il faut avoir conscience qu’en cas de procédure cela coute vite très cher !

        Il y a encore quelques mois, pour le compte de ma précédente société, je gérais un portefeuille de 70 familles de brevets actives. Sur une durée de 5 ans, avec une veille active, nous n’avons eu à traiter que 5 contrefaçons, 4 se sont réglées par un simple courrier et 1 a nécessité une procédure effectivement couteuse … Tout ça pour dire que le risque que vous identifiez, et qui est réel, ne concernait que 1,5% de mon activité. Dans 98,5% des cas, tout s’est bien passé.

        Au final, vous mettez le doigt sur un point essentiel du dépôt de brevet pour un inventeur. La question du pourquoi. Pourquoi dépose t’on un brevet ?

        A cela il y a plusieurs réponses possibles que vous évoquez en partie d’ailleurs dans votre message :
        – véhiculer une image innovante de son produit.
        – négocier des droits de licence.
        – vendre son invention (cession de droits).
        – décourager d’autres inventeurs d’exploiter le même « filon ».
        – faire valoir ses droits de propriété.

        Est-ce que cela en vaut la peine ? En réalité, tout dépend de l’enjeu de votre invention et du prix que vous payez pour les diverses prestations.

        Il faut garder en tête que la plupart des procédures peuvent être réalisées sans l’aide d’un Conseil en Propriété Industrielle. C’est conseillé par l’INPI mais ce n’est pas une obligation. Par exemple, si vous êtes indépendant ou dans une TPE et que vous déposez un brevet par vous même, pour la France cela ne vous coutera qu’un peu plus de 300 euros (tarif réduit). A ce prix là l’appréciation est très différente.

        A bientôt,

        Laurent

    • jean-louis

      Bonjour, un peu plus de 300€ est effectivement dérisoire à condition d’ être diplômé en langage administratif mais je n’ ai, malheureusement, pas choisi cette option lors de mes « études ». C’ est à peu près aussi tordu qu’ un contrat d’ assurance..
      J’ ai réalisé le 4ème et dernier prototype de mon invention tout à fait fonctionnel, déposé une enveloppe E-soleau et suis complètement à l’ arrêt et dans l’ expectative après cette phase alors que tous les plans et la description du produit sont faits…

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