Un jour, un responsable de bureau d’études réunit son équipe d’ingénieurs pour leur soumettre une demande étonnante qui vient du service commercial.

– Il faut proposer une solution beaucoup plus simple pour notre treuil de 4×4, annonce le chef du bureau d’études. Il doit coûter 10 fois moins cher.

C’est pas possible ! Répond un ingénieur. Ça fait des années qu’on se bat pour gagner quelques euros ici et là en optimisant chaque partie. Et là, le commerce nous demande de diviser le prix par 10. Ils ont fumé ou quoi !?!

– Ok j’entends bien, mais réfléchissons quand même. De quoi est constitué notre treuil ?

  • Le bâti qui se fixe sur le pare-chocs
  • Le moteur 12 V et son jeu de connecteurs pour le relier à la batterie
  • La transmission avec un train de réduction
  • Le système de frein de sécurité
  • Le système de vitesse
  • Le tambour pour enrouler le câble
  • Le câble et son crochet

– Pour prendre du recul et voir les choses sous un autre angle, essayons d’en faire une représentation schématique simplifiée et regardons ce qui coûte le plus cher sur ce produit.

Le groupe moteur, répond un autre ingénieur.

– Par quoi pourrait-on le remplacer ?

– Un système moteur moins cher qui vient de Chine

– Ce ne sera pas 10 fois moins cher. Il faut essayer de trouver un moyen qui nous coûte quasiment rien.

– On pourrait supprimer le frein !

– Non ça impacterait la sécurité. On doit faire moins cher, mais conserver les mêmes fonctions. Réfléchissons encore… Pour faciliter votre réflexion, j’extrais volontairement le groupe moteur de notre schéma. Par quoi pourrions-nous le remplacer et de quelles ressources dispose-t-on dans l’environnement proche ?

– Oh oui, on pourrait exploiter le moteur du 4×4 qui pourrait entraîner en rotation le tambour du treuil.

– Oui c’est une idée intéressante, mais le moteur du 4×4 est difficile d’accès et tourne trop vite.

– De quelles autres ressources dispose-t-on pour faire tourner le tambour qui soit facilement accessible et qui tourne beaucoup moins vite ?

Et soudain l’idée astucieuse apparaît !

– Eh oui, la roue de la voiture tout simplement. Il suffit de fixer le tambour directement sur la jante de la roue du 4×4.

Au final, c’est en pensant à extraire le groupe moteur du système que leurs esprits se sont « autorisés » à imaginer le produit différemment. Le principe d’extraction, qui fait partie des 40 principes d’innovation de TRIZ, a agi comme un levier pour les arracher de la fixation qu’ils se faisaient de la forme de l’objet. Puis il aura fallu regarder les ressources proches disponibles pour entrevoir la solution.

☼ Les personnes qui ont lu cet article ont aussi lu  L'évolution technique des palmes de plongée : histoire d'innovation

– Mais ce n’est pas suffisant, reprit le chef du bureau d’études. On ne peut pas conserver le système de guidage accroché sur le par-chocs. Il faut qu’il soit aligné avec la roue qui supporte le tambour.

– Qu’est-ce qui est placé au même niveau qu’une roue et qui pourrait supporter un guide ?

– Il suffit de placer le guide sur l’autre roue qui est placée devant.

– Ou alors, on pourrait déplacer le point de fixation au sol pour qu’il soit en face de la roue qui supporte le treuil. Un pieu vissé dans le sol ferait très bien l’affaire. Ce qui est d’ailleurs pratique lorsque le 4×4 est dans un désert … sans arbre. Dans ce cas, le guide câble disparaît mais le point de fixation intègre le système.


En réalité, ce système de treuil fixé sur la roue a été inventé en 2004 par l’Australien Patrick Verbeek. Ce concept, appelé Bush Winch, offre au final une solution simple, démontable et robuste. Un brevet est publié en Australie et une demande mondiale est enregistrée sous le n°WO2005095257.

Concept de treuil Bush Winch – source vidéo The bush Winch sur Youtube

Et maintenant ?

Cette petite histoire nous montre un mécanisme simple qui conduit à l’innovation.

  1. Un challenge ambitieux,
  2. La compréhension du problème,
  3. L’exploration de nouvelles solutions,
  4. La sélection d’une solution astucieuse.

C’est au final un cheminement très simple que vous pouvez suivre dans vos projets pour vous arracher de l’attraction de l’existant.

Voilà, c’est la fin de cet article. Si vous avez trouvé le contenu intéressant, n’hésitez pas à poster vos commentaires ou vos questions en bas de cette page, et à le partager avec vos amis ou vos collègues si vous pensez que ça pourrait leur être utile ! 🙂

    2 réponses pour "Le treuil qui coûte 10 fois moins cher : histoire d’innovation"

    • Anne

      Cela démontre très bien à quel point l’intelligence collective est vecteur d’innovation !

      • Laurent Cachalou

        C’est juste Anne, vous avez raison. L’innovation est un sport collectif ! 🙂

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