Le génie commence par l’esprit et inévitablement se poursuit par la main. L’illustration d’une idée est rapide à réaliser et permet de communiquer et convaincre beaucoup plus facilement.
Avoir une idée c’est bien, mais cela reste une idée. On commence à se rendre compte de son potentiel lorsqu’on commence à lui donner vie. Évidemment, nous ne sommes pas tous designers graphistes pour proposer un dessin de qualité professionnel…
Pour autant, on a bien conscience que la qualité d’un dessin influe directement sur la représentation du projet et sa force de persuasion.
Pourquoi illustrer une idée
L’illustration d’une idée a de nombreux avantages :
- Tout d’abord, c’est la première proposition d’une mise en œuvre du concept. Cela ancre l’idée dans le monde réel. D’ailleurs, certaines idées ne passent pas ce premier filtre.
- Ensuite, il est plus facile de partager la compréhension d’une idée lorsqu’elle est illustrée. C’est la raison pour laquelle, lors de recherche créative, je suggère toujours de réaliser un premier croquis, même succinct. C’est une des étapes importantes du processus créatif.
- Puis, ça aide l’ensemble de l’équipe à se représenter l’idée et à évaluer plus facilement son potentiel. C’est à ce moment-là que les questions techniques pointent le bout de leur nez. Et de nouveaux croquis sont ainsi créés pour proposer de nouvelles variantes ou carrément des évolutions.
- Enfin, c’est un excellent moyen de communication pour « vendre » son idée. Un dessin vaut mieux qu’un long discours …
Avec un minimum d’outils et quelques astuces, vous serez capable de dessiner votre idée avec une super qualité. L’important est de se lancer et de pratiquer. Vous verrez, les bons réflexes viennent assez naturellement.
Inutile de chercher à faire une illustration parfaite et de passer des heures dans les détails. Toutes les idées naissent imparfaites. L’important est avant tout de donner vie à l’idée et de se faire comprendre.
« Ne craignez pas la perfection, vous ne l’atteindrez jamais. » Salvador DALI
Illustration à la main VS CAO en 3D
Je constate souvent en bureau d’études, le besoin de passer très vite sur la CAO (conception assistée par ordinateur) pour illustrer une idée. C’est vrai que le résultat est plutôt sympa ! Mais c’est une erreur.
Passer trop vite sur la CAO fait que l’on s’engage souvent trop tôt dans une voie qu’il est difficile de quitter par la suite. Il est évident que lorsqu’on a passé 1 journée entière à dessiner sur ordinateur un système en 3D, on est plus en frein pour envisager d’apporter de lourdes modifications. C’est en revanche beaucoup plus facile si on n’y a passé que 10 minutes en réalisant une illustration …
En réalité, en un premier temps et c’est d’autant plus vrai en phase de créativité, il vaut mieux chercher à illustrer 20 idées en allouant 10 minutes pour chaque dessin que de passer 1 journée à en dessiner qu’une seule sur la CAO.
De plus, un croquis permet d’intégrer beaucoup plus vite un avis extérieur ce qui apporte plus de réactivité dans les échanges.
Comment s’équiper pour dessiner comme un pro
Pour ça, rien de plus simple ! Il vous suffit d’acheter les mêmes feutres que les pros. Les feutres scolaires ne pourront pas faire l’affaire. Si vous voulez un rendu pro pour embellir vos idées à leur juste valeur, choisissez des feutres à alcool.
L’encre à base d’alcool et de colorants permet de réaliser plusieurs superpositions de couches afin d’accroître la saturation des tons sans laisser de traces comme pourrait en laisser un feutre standard.
Voici quelques marques de référence :
Tria : Feutres à alcool à triple pointes : pointe biseau (type gros marqueur), pointe petite ogive (type feutre standard), et pointe-stylo feutre fin.
Promarker : Feutres à alcool à double pointes : pointe biseau, pointe petite ogive.
Copic : Feutre à alcool à double pointes, rechargeable : pointe biseau épais , pointe ogive fine. Il existe aussi une version Copic ciao plus abordable.
Graph’it : Feutre à alcool à double pointes : pointe biseau standard, pointe ogive fine. Personnellement ce sont ceux que j’utilise.
Si vous n’avez pas envie d’investir dans des feutres à alcool, vous pouvez toujours utiliser de bons vieux Stabilo. Avec leurs couleurs fluos, ils ont l’avantage de bien faire ressortir les différentes parties d’un produit. Le résultat est moins pro qu’avec des feutres à alcool mais ça dépanne 🙂
7 astuces pour réussir l’illustration de vos idées
Esquisse
1 – Faite une esquisse avec les traits de construction fins. Je vous rassure, si comme moi vous n’êtes pas graphiste, il n’y a pas de problème. Vous pourrez préparer des « sous-cul » avec votre univers en générant des dessins basés sur des photos réelles … Voici comment faire :
- Réalisez un modèle de référence qui vous servira de « sous-cul ». Pour cela, imaginez les mises en situation qui mettront en valeur votre concept.
- Superposez une feuille vierge sur le « sous-cul » et posez l’ensemble sur une source lumineuse (table éclairante ou fenêtre).
- Décalquez la partie du modèle qui vous intéresse et esquissez votre idée en l’intégrant à cet environnement.
Le fait d’illustrer vos idées sur des sous-culs identiques permet de mieux comparer les idées les unes par rapport aux autres. Cela améliore la lisibilité pour un auditoire.
2 – Pour l’esquisse, utilisez les compas naturels du bras, poignet et doigt. Tournez le papier pour faciliter le tracé des courbes. Ces gestes simples sont d’une précision remarquable et ne demande aucun matériel 🙂
Finition
3 – Marquez davantage les lignes de contours avec un feutre noir plus gros pour renforcer l’idée du volume. Ajoutez éventuellement un ombrage ou un fond gris clair pour faire ressortir l’objet dessiné.
Astuce : Choisissez un gris vraiment très clair pour l’ombrage, car le rendu est toujours plus foncé que sur le bouchon du feutre … Sur la photo ci-dessus le scan est fait en noir et blanc et en couleur sur la photo ci-dessous. Chez Graph’it j’utilise le gris clair ref #9400.
4 – Ajoutez de la couleur. Utilisez des codes couleurs identiques améliore aussi la lisibilité et la compréhension d’une idée par rapport aux autres…
5 – Ajoutez des commentaires qui améliorent la description + vues supplémentaires si besoin.
Présentation
6 – L’idéal est de trouver un nom à votre illustration pour souligner sa promesse ou son originalité.
7 – Vous pouvez aussi scanner votre dessin pour l’insérer dans un Powerpoint plus « corporate ».
Avec ces 7 astuces toutes simples, vous constaterez que vous améliorerez nettement la qualité de vos illustrations. Sans dons particuliers et sans être passé par l’école des Beaux-Arts, il vous sera possible de proposer un travail de qualité. Maîtriser l’illustration par le dessin est un excellent moyen pour libérer l’inventeur qui est en vous.
Je tiens à ajouter que l’essentiel reste la qualité de l’idée. L’illustration d’une idée n’est qu’un moyen pour la faire avancer et pour mieux la communiquer.
Il arrive parfois que des idées géniales ne soit pas retenues car mal présentées et inversement que des dessins de grande qualité influencent le choix d’une idée moins forte. Il faut donc rester lucide par rapport à ça : ne pas « survendre une idée » et inversement rester vigilant en analysant le dessin de quelqu’un d’autre.
Et maintenant ?
Pour passer à l’action, commencez à illustrer les idées que vous avez en tête en suivant ces 5 étapes :
1 – Tout d’abord, achetez 5 stylos feutres 2 pointes à l’alcool : Noir, gris clair, bleu, vert et orange.
2 – Ensuite, faites-vous des « sous-cul » en sélectionnant des vues vous permettant de dessiner votre produit dans son contexte.
3 – Puis, dessinez votre produit en perspective.
4 – Et ajoutez-y de la couleur pour le rendre plus expressif.
5 – Enfin, présentez votre concept à un ami ou un collègue et écoutez son feed-back avec la plus grande attention. N’hésitez pas à enrichir l’idée « en live » avec des vues supplémentaires ou carrément un nouveau dessin. Pour cela, préparez à l’avance des « sous-culs », un crayon et vos feutres !
Voilà, c’est la fin de cet article. Si vous avez trouvé le contenu intéressant, n’hésitez pas à poster vos commentaires ou vos questions en bas de cette page, et à le partager avec vos amis ou vos collègues si vous pensez que ça pourrait leur être utile ! 🙂
2 réponses pour "7 astuces pour réussir l’illustration rapide d’une idée"
Salut Laurent!
Bravo pour ton site mon ancien camarade de promo ! (1993, ça ne nous rajeuni pas !)
De mon expérience du processus d’innovation, j’en dégage 3 grandes phases (pour simplifier) :
1. phase de créativité (sketching) et oui, d’accord avec toi, sortons nos crayons de couleur !
2. phase conceptuelle (CAO, proof of concept, prototypes basiques pour montrer que l’invention fonctionne).
3. phase d’industrialisation (comment réaliser l’invention dans les contraintes de matières, couts et processus de fabrication existants)
Souvent ces 3 phases se superposent, ce n’est jamais aussi propre et clair qu’on imaginait au départ. Un échec dans la phase 2 veut dire qu’éventuellement il faut repasser en phase 1 pour explorer d’autres directions. Par contre, une fois en phase 3, c’est plus difficile de changer le design car on est déjà engagé sur une voie industrielle qui, dans une entreprise de taille moyenne à grande, pourrait avoir trop d’implications au niveau des équipes et du planning projet.
Je dirais que toutes les phases sont aussi importantes les unes que les autres. J’ai toujours été en admiration devant les produits DECATHLON car, non seulement ils sont inventifs, mais ils sont aussi extrêmement bien réalisés. Cela semble facile une fois que le produit est fini, mais pour être moi-même passé par plusieurs développent de produit dans ma carrière (LEM/L-ACOUSTICS/JBL et maintenant en tant que consultant), c’est également facile de se planter quand on est mal préparé pour la phase 3. La loi de Pareto appliquée au design nous indique que 80% du cout d’un produit est déterminé par 20% des éléments fondateur du design, il est donc clair qu’il faut anticiper la phase 3 très en amont du projet, surtout quand on travaille dans une démarche lancement de produit avec des cycles courts.
Tout cela m’amène à plusieurs questions :
Peux-tu nous parler un peu de ton expérience du processus complet et de l’importance des choix industriels dans le processus d’innovation ?
Comment gérer les impasses et les retours en arrières forcés lors des échecs ?
Faut-il penser à la phase 3 dès la phase 1 ?
Quelles sont les compétences nécessaires tout au long de ce processus et doit-on obligatoirement faire appel à des experts différents plus on avance ? Par exemple, une personne débordant de créativité en phase 1 n’est pas forcement « câblée » pour être aussi efficace en phase 3 ou il faut être très pragmatique et connecte au monde de la fabrication. Personnellement, je me sens plus passionné en phase 1 qu’en phase 2 et 3, peut être car cela va moins vite et devient parfois un peu plus « ennuyant ».
Au plaisir de te lire et relire,
Jacques
Salut Jacques,
Quel plaisir de lire ton message et merci pour tes commentaires!
Il est vrai que les phases dont tu parles s’enchainent assez bien pour un renouvellement de produit classique pour lequel les données marché, les règles de conception et les contraintes industrielles sont connues. En revanche c’est beaucoup moins le cas pour un projet d’innovation où l’incertitude règne. Les chemins qui mènent à l’innovation sont souvent des chemins détournés… Avec du recul, on s’aperçoit que chaque histoire du développement d’un produit innovant est différente selon la variabilité des données d’entrée, le profil de l’équipe, les allers-retours dans le projet, l’apprentissage essais-erreurs, une contrainte spéciale qui intervient en cours du projet, etc …
Par ailleurs, je partage l’idée qu’il est plus difficile d’opérer des changements dans la phase 3 car c’est souvent à ce moment là que les investissements deviennent importants.C’est la raison pour laquelle il faut intégrer très tôt des réflexes produit-process pour anticiper ces contraintes. L’un ne va pas sans l’autre.
Pour tes questions, il serait trop long d’y répondre dans ce message mais je les traiterai dans un prochain article car elles sont vraiment pertinentes.
A très vite,
Laurent