Le choix entre déposer un brevet ou garder le secret tourne souvent au dilemme. Doit-on divulguer son invention à travers un brevet pour mieux la protéger ? Ou au contraire, doit-on garder le secret pour ne pas donner d’idées à ses concurrents ?

Face à une invention et pour en tirer profit durablement, la question du brevet se pose presque toujours. Mais l’anxiété et la peur peuvent vite prendre le pas et brouiller notre réflexion. En réalité, on n’a pas toujours les clés pour orienter nos décisions dans la bonne direction en connaissance de cause.

C’est la raison pour laquelle je vous propose de découvrir les différents aspects du brevet et du secret afin de vous permettre de prendre la bonne décision pour votre projet. En vous posant les bonnes questions, vous éclairerez votre réflexion et prendrez des décisions avec plus de sérénité.

Brevet ou secret : le dilemme

La notion de durée

Le secret est intéressant dans la mesure où, tant qu’il est préservé, vous êtes protégé. Dans l’absolu, la protection est durable. Ce qui n’est pas le cas d’un brevet qui protège une invention au maximum pendant 20 ans. En revanche, comme on peut l’imaginer facilement, il n’est pas facile de garder un secret pendant plus de 20 ans … 🙂

L’exemple de Coca-Cola est intéressant de ce point de vue là. Depuis la création de la firme en 1886, la formule n’a jamais été divulguée. Il y a eu plusieurs évolutions, mais la composition et la formule exacte sont toujours restées secrètes. Ce qui a permis à la marque de conserver une exclusivité durable.

En réalité de nos jours, les techniques de chromatographie permettent de connaître les ingrédients et les doses exactes. Du coup, seul le procédé de fabrication semble resté secret.

De prime abord, dans le cas du brevet, protéger une idée pendant 20 ans peut sembler court quand il s’agit de monopole. Mais c’est aussi très long du point de vue des évolutions technologiques. Aujourd’hui, une techno peut vite devenir obsolète.

La confidentialité

Il se trouve qu’organiser le maintien du secret en entreprise est une démarche assez lourde. Cela doit être pris en compte au niveau des contrats, des processus, des droits d’accès, des habilitations, de la confidentialité, etc … En somme, c’est une vraie culture à intégrer qui ne s’improvise pas et qui demande l’implication de tous.

En réalité, il est assez difficile de garder le secret au niveau industriel ce ne serait qu’à travers les flux humains entre les entreprises. Même avec des clauses contractuelles, il semble assez difficile de prouver une concurrence déloyale.

La puce à l’oreille

Le brevet est un moyen de protection puissant (encore faut-il avoir les moyens de défendre ses droits…) mais la contre partie est qu’il donne des idées à vos concurrents. Ils comprennent là où vous travaillez et peuvent chercher à contourner intelligemment vos inventions. C’est un risque à prendre en compte.

☼ Les personnes qui ont lu cet article ont aussi lu  Les 4 critères de brevetabilité d'une invention

D’ailleurs, l’information contenue dans un brevet est justement là pour servir à d’autres. La collectivité a tout intérêt à ce qu’un brevet soit déposé. C’est le moyen de s’assurer que le secret de l’invention ne finisse pas avec l’inventeur dans sa tombe…

A noter que lorsqu’on fait une veille techno sur une entreprise, un brevet indique un axe de travail particulier. Et un ensemble de brevets peut également donner une indication sur un axe stratégique.

Le risque de contrefaçon

Pour celui qui choisit le secret, il y a le risque de faire face quelque temps après à un concurrent qui lui aura choisi de déposer un brevet. Et là, la situation peut se retourner contre celui qui a eu l’idée en premier … mais l’a gardée secrète.

Dans ce cas, il faut réussir à prouver l’antériorité de l’invention. En cela une enveloppe Soleau peut être bien utile pour apporter une preuve et ainsi garder la liberté d’exploitation.

La rétro-ingénierie

De nos jours, la rétro-ingénierie est de plus en plus efficace. Avec peu de moyens, ou en sous-traitance, il est facile d’analyser des matériaux et des procédés de production. Et c’est encore plus facile quand les concurrents indiquent les matériaux utilisés directement sur les produits 😉

De nos jours, il est donc difficile de garder le secret même sur ce qui ne saute pas aux yeux comme par exemple les matériaux et les procédés de fabrication.

L’histoire de Michelin, souvent citée, est un bon exemple pour illustrer l’évolution de la réflexion. Il y a 50 ans, la capacité des concurrents pour analyser une composition de caoutchouc était inexistante. Michelin pouvait donc conserver ses secrets de fabrication.

Aujourd’hui les analyses ont fait de tels progrès que ce n’est plus possible. Ainsi depuis les années 80, Michelin dépose de plus en plus de brevets, y compris sur des procédés.

L’exploitation

L’avantage du brevet est qu’il permet d’attribuer des licences d’exploitation. Ça a donc un intérêt dans le cadre d’un partenariat. Si vous imaginez céder une partie de vos droits auprès d’un tiers, la licence vous offrira un cadre législatif intéressant.

La brevetabilité

Il faut aussi prendre en compte que certaines conceptions ou procédés ne peuvent pas prétendre à un dépôt de brevet faute d’inventivité. Mais cela n’en reste pas moins un avantage important à protéger. Dans ce cas le secret peut apporter un avantage concurrentiel à ne pas négliger.

Le coût

Le brevet a un coût. Donc il vaut mieux utiliser ce moyen de protection pour les inventions à forte valeur. C’est-à-dire des inventions qui ont un fort potentiel économique et sur une durée significative.

L’aspect de la rentabilité est à pondérer en fonction du coût de votre brevet. Si vous le déposez par vous-même en France pour un montant de 500€, la réflexion ne sera pas la même que pour un brevet déposé à l’aide d’un Conseil en propriété industrielle pour un montant de 7.000€.

D’un autre côté, organiser le maintien du secret en entreprise a aussi un coût indirect à ne pas sous-estimer.

Les 7 questions à se poser pour une invention

Le dilemme entre brevet et secret semble assez subtil. Ceci dit, il est possible d’y voir beaucoup plus clair en se posant quelques questions :

  1. Mon invention remplit-elle les 4 critères de brevetabilité ?
  2. Est-ce que les choix techniques de mon invention sont analysables facilement en rétro-ingénierie par mes concurrents ?
  3. Mon invention s’appuie-t-elle sur une technologie pérenne ou bientôt obsolète ?
  4. Est-ce que mon invention répond à un marché potentiel suffisant au regard du coût de mon brevet ?
  5. Suis-je sur un marché concurrentiel au niveau technologique ?
  6. Est-ce qu’un transfert technologique est envisageable pour mon invention ?
  7. Mon entreprise est-elle organisée pour préserver un secret et gérer correctement la confidentialité ?
☼ Les personnes qui ont lu cet article ont aussi lu  Confidentialité : 5 règles d'or à respecter

Clarifier sa stratégie d’innovation

Il est d’ailleurs intéressant de se poser ces questions en dehors de tout projet pour fixer une ligne directrice concernant votre stratégie d’innovation.

  1. Dois-je sélectionner des solutions techniques brevetables ? Est-ce un critère de sélection dans mes séances de brainstorming ?
  2. Dois-je rendre difficile l’analyse de rétro-ingénierie ou utiliser des process difficilement copiables ?
  3. Dois-je concevoir mes produits sur des technologies pérennes ? M’interdire des technologies qui seront obsolètes d’ici « x années » ?
  4. Quels sont mes critères de rentabilité pour justifier du dépôt d’un brevet ?
  5. Sur quels critères dois-je m’appuyer pour étendre un brevet à l’international ? Quels pays dois-je cibler ? Pourquoi ?
  6. Dois-je privilégier des marchés avec moins de concurrence, voire même créer de nouveaux marchés ?
  7. Quelle organisation dois-je mettre en place pour garantir le niveau de confidentialité souhaité ?

Et maintenant ?

En répondant à toutes ces questions, vous aurez fait un grand pas dans votre réflexion. Au cas par cas, vous estimerez plus facilement de quel côté penche la balance entre brevet et secret.

Cela vous permettra aussi d’être plus serein dans vos choix car vous saurez pour quelles raisons vous avez pris une décision. Au final, le dilemme entre brevet et secret n’est pas si complexe que cela quand on se pose les bonnes questions.

Pour initier cette réflexion, je vous propose ces 3 actions :

1 – ✅ Pour commencer, sélectionnez un produit en cours d’étude.

2 – 💬 Puis, posez-vous les 7 questions et prenez le temps de bien y répondre.

3 – 👍 Enfin, mesurez le pour et le contre et prenez votre décision : brevet ou secret. Gardez une trace de votre analyse.

Voilà, c’est la fin de cet article. Si vous avez trouvé le contenu intéressant, n’hésitez pas à poster vos commentaires ou vos questions en bas de cette page, et à le partager avec vos amis ou vos collègues si vous pensez que ça pourrait leur être utile ! 🙂

    1 réponse pour "Brevet ou secret : les 7 questions à se poser"

    • Fontaines

      Ayant été confronté à ces problématiques de dépose brevet et d’enveloppe Solo pendant ma vie professionnelle, j’ai été très intéressé par ton article qui fait avancer la réflexion dans ce domaine.

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